À mesure que se développe le commerce en ligne et que les enseignes proposent des options variées de commande online, de réservation et de clic and collect, les modes de livraison se multiplient également pour offrir toujours plus de choix au consommateur. De l’acheminement du colis par transport routier au client final au transport de marchandises par livreur en point-relais pour une organisation logistique collaborative, assurer la logistique du flux de marchandise peut être un réel calvaire pour les entreprises. La logistique du dernier kilomètre étant un enjeu majeur pour les entreprises, des start-up se sont engouffrées dans la tendance pour proposer des services de livraison de proximité : il s’agit de couvrir la livraison du dernier kilomètre en proposant un service de récupération des commandes livrées en magasin ou en point retrait.

Outre-Atlantique, les jeunes entreprises Deliv.co et Zipments proposent ainsi un service de coursiers qui livrent sur rendez-vous ou non des commandes retirées pour le client en magasin. À New-York, Uber se lance à son tour dans la livraison à domicile de commandes non alimentaires. En France aussi, plusieurs start-up se lancent dans la livraison sur le dernier kilomètre. Deux modèles principaux se développent autour de ce créneau :

celui représenté par Deliver.ee ou Colisweb, qui intègrent les services de leurs coursiers aux choix de modes de livraison de grandes enseignes partenaires celui représenté par Tok Tok Tok qui étend le service à l’acte d’achat en lui-même, délégué au coursier

livraison dernier kilomètre

Deliver.ee et Colisweb, les Uber français de la livraison de marchandise

Les deux jeunes pousses ont noué des partenariats avec de nombreuses enseignes marchandes pour intégrer leur prestation au tunnel d’achat de leurs e-commerces. À l’étape où le client choisit son mode de livraison, le service apparaît parmi les options. Il est facturé au marchand en fonction de plusieurs critères de distance, de temps et de mode de transport pour la livraison. Née à Paris en 2013, la start-up Deliver.ee a été intégrée à la plateforme Fnac.com moins d’un an après sa première livraison. Elle travaille aujourd’hui en partenariat avec de grandes enseignes comme le BHV, Truffaut, Monoprix, Lacoste, Intermarché, des marketplaces et d’autres start-up engagées sur le local. En 2020, Deliver.ee compte un réseau de plusieurs milliers de runners, 170 enseignes partenaires et propose ses services de « ship from store » sur 3000 agglomérations dans le monde parmi lesquelles une trentaine de villes de France.
Colisweb est née en 2014 à Lille, au sein de l’incubateur Euratechnologies. Sa première commande est réalisée avec Etam Lingerie. La jeune entreprise débute ensuite un partenariat avec la grande enseigne Leroy-Merlin, en proposant aux clients la possibilité d’acheter en magasin et de se faire livrer sous 3 heures, depuis le même point de vente ou un autre en cas de rupture de stock. Les solutions de la start-up sont d’ordre omnicanal et s’adresse aux commerçants comme aux e-commerçants. La prestation Colisweb est désormais intégrée au tunnel marchand de nombreuses enseignes, parmi lesquelles Decathlon, Darty, Auchan, Bricorama, Norauto ou Cultura. La start-up travaille avec un réseau de transporteurs en camion, en voiture, en moto, à vélo ou même à pied. En 2020, Colisweb est présent sur près de 7000 villes et France et en Belgique. Une partie non négligeable de son activité relève aussi du B2B : il peut s’agir d’approvisionnements et de transferts inter-boutiques. Le B2C est cependant la vocation centrale de Colisweb.

Les deux start-up ont débuté avec des ambitions comparables. Toutes deux connaissent un succès indéniable et ont vu leur activité se développer de manière exponentielle en quelques années. Colisweb comme Deliver.ee ont levé de nouveaux fonds peu de temps après leurs premiers partenariats prometteurs, permettant de lancer de manière durable le développement de leurs prestations. L’ambition de Deliver.ee est cependant plus internationale : elle est aujourd’hui présente sur plusieurs continents, essentiellement dans les grandes agglomérations, quand Colisweb renforce sa présence en France et en Belgique partout où ses enseignes partenaires disposent de magasins. Deliver.ee a par ailleurs fait appel très tôt au crowdsourcing, avec le développement en région parisienne d’un service de livraison de croissants effectué par des particuliers en quête d’un complément de revenus. Dans le même temps, Colisweb avait d’abord essentiellement développé son réseau de transporteurs professionnels, dans une large gamme de véhicules et de modes de transports urbains. L’enseigne a également travaillé sa présence en province, quand Deliver.ee concentre la majeure partie de son activité française en région parisienne.

Tok Tok Tok un autre exemple innovant de ship from store

Rachetée en 2016 par Just Eat, la start-up Tok Tok Tok était un autre exemple français d’entreprise innovante se positionnant autour du dernier kilomètre. Si ses services incluaient la livraison sur le dernier kilomètre, ils s’étendaient également à la délégation d’achat. La start-up française a développé son offre sur le modèle de l’entreprise américaine Postmates. Le principe est simple : le client délègue à un runner la mission d’effectuer une course à sa place et de la lui livrer. Le runner peut-être un étudiant, un auto-entrepreneur ou un professionnel qui souhaite effectuer une activité complémentaire. Il effectue l’achat demandé au moyen d’une carte prépayée, créditée en direct lorsqu’un utilisateur passe commande.

Pour son service d’achats délégués, Tok Tok Tok a d’abord proposé un catalogue d’environ 250 enseignes partenaires parmi lesquelles la Fnac, Nature & Découverte, Nocibé, Office Dépôt, Toys R us, Monoprix, et de nombreux commerces de proximité parisiens : fleuristes, pharmacies, épiceries. C’est tout naturellement que la start-up a choisi de confronter son business model au marché parisien, en proposant une livraison aux utilisateurs en moins d’une heure dans Paris intra-Muros et sur la petite couronne. Jusqu’à 4 enseignes peuvent être concernées par une même commande.

Après la version sur site web mise en ligne en 2013, l’application Tok Tok Tok est lancée au printemps 2014. Elle n’était d’abord disponible que sous iOs. L’application permettait de passer ses commandes en ligne sur les catalogues des marchands partenaires, de suivre l’avancée du runner et d’être informé de son arrivée imminente par sms. Du côté du coursier, le matériel nécessaire se résume aussi à un smartphone et à la carte prépayée. Les commandes sont proposées au runner en fonction de leurs caractéristiques et de son moyen de transport.

Le modèle économique est aussi différent de celui adopté par Coliweb et Deliver.ee. Dans le cas de Tok Tok Tok comme de l’américain Postmates, le service est facturé au client mais également au commerce, via une commission de 10 à 40 % du chiffre d’affaires réalisé par le magasin grâce à ce service d’achat délégué. La partie facturée au client varie en fonction des contraintes de la prestation, calculées en ligne en temps réel par les algorithmes de l’application de Big Data. Elle est de 7,50 euros au minimum, mais peut augmenter en fonction du nombre d’enseignes à visiter et de la localisation de la livraison. Le client est, dans tous les cas, informé du prix avant de régler sa note. La somme perçue par le runner pour le service est composé du prix de la prestation facturé au client, moins une commission de 20 à 25 % prélevée par Tok Tok Tok.

Du côté des partenaires, le modèle incarné par Tok Tok Tok permet aux enseignes de profiter de l’élargissement de leur clientèle grâce à la commande online sans avoir à se préoccuper de la préparation des commandes. Le picking et la logistique sont entièrement délégués à la start-up. C’est aussi une manière d’ouvrir à de petites enseignes le marché en ligne. Pour se développer, l’entreprise a ouvert son application aux marchands qui peuvent y éditer eux-mêmes leur catalogue. L’ambition de la start-up, dès 2014, était de massifier de manière exponentielle les flux afin de créer un modèle économique vertueux : davantage de runners pour davantage de points de vente concernés, pour un service de moins en moins cher et une fidélisation des utilisateurs.

Les années suivantes montreront le succès de ce modèle dans le secteur de la restauration. Si Tok Tok Tok avait pour ambition de permettre aux parisiens d’effectuer n’importe quels achats dans la ville sans se déplacer, ces derniers ont été principalement séduits par les livraisons alimentaires : l’occasion pour les citadins de se faire livrer les plats de leurs restaurants préférés, et d’élargir à l’infini une offre de restauration en livraison longtemps restreinte aux pizzas, sushis et burgers. La start-up a d’ailleurs été rachetée par l’un des leaders de la livraison food à domicile, l’américain Just Eat.

Le dernier kilomètre, un enjeu toujours crucial pour les enseignes

Après la préparation de commandes, l’entreposage de nombreuses palettes, la chaîne d’approvisionnement, l’organisation logistique pour la traçabilité de votre colis, couvrir le dernier kilomètre reste l’une des préoccupations centrales des marchands en ligne. De grands acteurs de l’e-commerce et du web en général se positionne aussi sur ce modèle, afin de capter un maximum de clients sur leurs plateformes respectives. On peut ainsi citer Google Shopping Express, Amazon Prime Now ou Ebay Now, des services développés d’abord aux Etats-Unis. Google Express a été testé à San Francisco en 2013, et est aujourd’hui développé dans tous les états américains. Amazon Prime Now est un service de livraison en deux heures réservé aux membres du programme Amazon Prime. Le service de livraison le jour même Ebay Now a connu des débuts très prometteurs outre-Atlantique, notamment à San Francisco, Chicago et à New-York, avant de chercher à conquérir le marché européen en commençant par Londres.